XALIMANEWS-Dr. Bakary Sambe, président-fondateur du Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies, dirige un think tank de référence en matière de paix et de sécurité en Afrique, avec des bureaux à Dakar, Niamey et Bamako. Expert reconnu dans la diplomatie préventive et la gestion des conflits, il se distingue par son engagement au Sahel, où il œuvre pour comprendre et résoudre les défis sécuritaires complexes. Dans une interview accordée au média « Le Journal du Mali », il analyse l’évolution des menaces terroristes dans la région, évalue les stratégies adoptées par les États sahéliens, et souligne l’importance d’une approche collaborative avec les communautés locales ainsi qu’une vision globale pour relever les défis sécuritaires actuels.
L’interview du Dr. Sambe met en lumière l’évolution complexe de la menace terroriste au Sahel et les réponses des États concernés face à cette menace. Voici les principaux points abordés et détaillés dans l’interview :
Évolution des menaces terroristes :
Selon Dr. Sambe, les groupes terroristes ont évolué en termes de stratégie, avec une décentralisation de leurs activités. Initialement centrée sur le Mali, la menace s’est désormais étendue vers le Centre du Sahel et les régions du bassin du lac Tchad. Il mentionne des groupes comme ISWAP (opérant autour du lac Tchad) et l’État Islamique au Sahel, qui ont développé une présence forte dans des zones stratégiques comme le Liptako-Gourma (frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso). Il note aussi l’émergence de tensions locales et communautaires qui alimentent les groupes terroristes, tels que la Katiba Macina au Mali, et une menace croissante dans le nord du Bénin, liée à des dynamiques transnationales avec le Nigéria.
Stratégies des États sahéliens :
Dr. Sambe évalue les stratégies des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso comme étant insuffisantes face à la menace, malgré une militarisation accrue. Les approches basées sur la coopération internationale, notamment avec la France, ont montré des résultats mitigés. Selon lui, ces États doivent davantage intégrer les dynamiques communautaires dans leurs stratégies de lutte contre le terrorisme et privilégier une coopération régionale plus étroite, notamment entre les pays de l’Association des États du Sahel (AES) et la CEDEAO. Il souligne l’importance de l’engagement des communautés locales dans la lutte contre le terrorisme.
Rôle des communautés locales :
Il insiste sur le fait que les communautés locales doivent être au centre des efforts de lutte contre le terrorisme, car une approche purement militaire ne permet pas d’assurer une sécurité durable. Dr. Sambe prône une approche de « sécurité humaine », en mettant l’accent sur le dialogue intercommunautaire et la gestion des griefs locaux, afin d’éviter la radicalisation. Le Mali, par exemple, a initié un dialogue avec ses communautés locales, mais les résultats sont encore partiellement satisfaisants.
Désinformation et sécurité :
La désinformation est présentée comme une menace sérieuse pour la stabilité de la région. Les fake news, amplifiées par les réseaux sociaux, perturbent les efforts des forces de sécurité, exacerbent les tensions intercommunautaires et peuvent mener à des violences. Dr. Sambe appelle à une régulation plus stricte de l’information, soulignant que la désinformation compromet la crédibilité des institutions et la stabilité des États sahéliens.
Interventions militaires étrangères :
Bien que la coopération internationale soit jugée nécessaire, notamment pour faire face aux menaces transnationales, Dr. Sambe critique la « sous-traitance de la sécurité » et la dépendance excessive vis-à-vis de partenaires comme la France ou les Nations Unies. Il plaide pour une coopération régionale plus robuste et une mutualisation des capacités au niveau sous-régional pour faire face plus efficacement aux défis sécuritaires.
Leçons pour les pays côtiers :
En ce qui concerne les pays côtiers du Golfe de Guinée, Dr. Sambe les met en garde contre la tentation d’adopter des stratégies de contre-terrorisme classiques sans s’attaquer aux causes profondes de la radicalisation. Il insiste sur la nécessité de prévenir l’extrémisme violent en adressant les problèmes structurels comme la pauvreté, la mauvaise gouvernance et les injustices sociales, plutôt que de recourir uniquement à des solutions militaires.
Défis futurs et implications de la crise syrienne :
Il évoque également la montée de l’instabilité politique et les alliances entre certains groupes terroristes régionaux, comme Al-Qaïda, qui bénéficient de la crise syrienne et de l’instabilité qui en découle. Il avertit que ces dynamiques pourraient aggraver la situation sécuritaire au Sahel, surtout avec la présence croissante de combattants étrangers et la circulation des armes.
En conclusion, Dr. Sambe souligne qu’une approche holistique, qui inclut une meilleure coordination régionale, l’implication des communautés locales, et la prise en compte des causes profondes du terrorisme, est essentielle pour répondre efficacement aux défis sécuritaires au Sahel.
Source : https://www.xalimasn.com/terrorisme-dr-bakary-samb...